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Kits

Affaire «Jeanne» : des élus FN accusent leur parti

Par Dominique Albertini
Conférence de presse, dans un café au centre de Valenciennes, d'élus du FN pour parler de l' affaire Jeanne. De gauche à droite, Jean-Luc Laurent, conseiller municipal de Valenciennes, Francis Boudrenghien, conseiller municipal d'Anzin, Nadine Fournard, conseillère municipale d'Anzin, le 1er décembre 2015.Zoom
Conférence de presse, dans un café au centre de Valenciennes, d'élus du FN pour parler de l' affaire Jeanne. De gauche à droite, Jean-Luc Laurent, conseiller municipal de Valenciennes, Francis Boudrenghien, conseiller municipal d'Anzin, Nadine Fournard, conseillère municipale d'Anzin, le 1er décembre 2015. Photo Aimée Thirion pour Libération

Trois conseillers municipaux frontistes du Nord ont mis en cause ce mardi les «kits de campagne» en usage au Front national, et qui se trouvent au centre d'une enquête ouverte par la justice en avril 2014.

L’affaire «Jeanne» s’invite dans la campagne des régionales. Lors d’une conférence de presse organisée ce mardi à Valenciennes, trois élus FN du Nord ont dénoncé une «escroquerie» de la part du mouvement. Tous trois candidats aux départementales de mars 2015, ils contestent l’usage au sein du parti d’un «kit de campagne» conçu par la société Riwal. Utilisé par le FN depuis plusieurs scrutins, ce kit est un lot de matériel comprenant affiches, bulletins de votes ou encore conception d’un site Internet. Censé faciliter la vie des candidats, le système est pourtant au cœur d’une enquête judiciaire depuis avril 2014. Les juges du pôle financier cherchent notamment à déterminer si l’achat de ce kit était obligatoire pour la plupart des candidats FN, et si le prix de certaines prestations n’a pas été surévalué.

«On nous a dit dans une réunion que, si on ne prenait pas les kits, on ne serait pas candidats», assure Francis Boudrenghien, conseiller municipal FN à Anzin, qui dit avoir été contraint de commander un supplément d’affiches électorales. De son côté, Jean-Luc Laurent, conseiller municipal de Valenciennes, critique le prix et le format des prestations du kit : «Lorsqu’il m’a été proposé, pour un montant total de 8 000 euros, j’ai voulu y prendre quelques pièces et en refuser d’autres. La prestation de l’expert-comptable, par exemple, était facturée 1 400 euros alors qu’un professionnel local ne me demandait que 600 euros pour le même travail. J’ai également refusé la facturation de 28 000 cartes postales, livrées si tardivement que je n’aurai pas eu le temps de les distribuer.»

Selon Jean-Luc Laurent, ces réticences lui auraient valu d’être sermonné par le responsable local du FN, Guy Cannie. Dans un échange de courriels entre les deux hommes, exhibé par M. Laurent, Guy Cannie qualifie le kit d’«obligatoire». Ce terme apparaît également sur des documents adressés aux candidats du FN lors des municipales de 2014. «Sur ces kits, vous n’êtes pas sans savoir qu’il y a une enquête en cours, je n’ai donc rien à dire», réagit Guy Cannie auprès de Libération. Tout en concédant que leur usage était «fortement conseillé» par la direction du FN : «Mais certains l’ont refusé, d’autres n’en ont pris qu’une partie, et il n’y a pas eu de problèmes. Les gens dont vous parlez n’ont commencé à protester qu’après avoir appris qu’ils ne seraient pas investis pour les élections régionales, comme M. Laurent en raison d’une attitude lamentable.»

De son côté, Marine Le Pen avait dénoncé le 11 novembre des accusations «parfaitement fantaisistes et diffamatoires», et promis «une plainte en diffamation contre ces élus qui cherchent en réalité en pleine campagne électorale à nuire au parti qui les a fait élire».

Des prestations «surévaluées»

Ces éléments pourraient tout de même renforcer dans leurs soupçons les juges d’instruction Renaud Van Ruymbeck et Aude Buresi. Les deux magistrats se concentrent sur la campagne législative de 2012, lors de laquelle le système des kits était déjà en place. Dans la double hypothèse d’un achat obligatoire et «surfacturé», le système ferait un perdant : l’Etat lui-même, qui rembourse aux candidats leurs dépenses de campagne en vertu du code électoral. Et deux gagnants. La société Riwal d’une part : productrice du kit, elle est dirigée par le très radical Frédéric Chatillon, un ami de Marine Le Pen. Le microparti Jeanne d’autre part : piloté par des proches de cette dernière, il propose aux candidats FN des prêts leur permettant d’acheter le kit, à un taux d’intérêt de 6,5%. Neuf personnes ont déjà été mises en examen, dont Frédéric Chatillon, le vice-président du FN Jean-François Jalkh, son trésorier Wallerand de Saint-Just, ainsi que Jeanne et le FN eux-mêmes en tant que personnes morales.

Si l’issue de la procédure reste incertaine, la Commission nationale des comptes de campagne semble de son côté avoir acté certains débordements. «Il ressort de la procédure contradictoire et des informations recueillies auprès du parti et de son fournisseur que certaines de ces prestations apparaissent surévaluées», écrit l’institution, sur plusieurs avis adressés aux candidats frontistes, et consultés par Libération. La commission conteste notamment «une somme de 600 euros [correspondant] à la personnalisation» des documents de campagne. Un «montant élevé [qui] n’est justifié ni par la nature de la prestation, qui consiste seulement en la reproduction de la photographie des candidats du binôme, de leurs noms et de celui de la circonscription, ni par des difficultés techniques particulières».

Qui plus est, «la facturation du même montant forfaitaire à la quasi-totalité des binômes [FN] procure au parti Jeanne une économie d’échelle très importante qui, loin de bénéficier aux candidats, est la source d’une surévaluation significative». Conséquence : la commission retranche 300 euros sur le remboursement de cette prestation, une décision qui, selon nos informations, concernerait la quasi-totalité des candidats FN. D’autres prestations font l’objet de tels retranchements, notamment l’impression d’un journal de campagne de 8 pages, ou encore les intérêts demandés par Jeanne, correspondant à une durée plus longue que celle du versement effectif des capitaux aux candidats.

Interrogé fin octobre par l'AFP, Jean-François Jalkh indiquait cependant qu'il y aurait «1900 recours» contre ces décisions de la CNCCFP, soit le nombre de binômes FN engagés dans les départementales, pour déterminer «si c’est à la CNCCFP de fixer le tarif des prestations». «Je vais demander officiellement à la CNCCFP de me fixer point par point les grilles de tarifs sur tous les grands chapitres de dépense», poursuivait celui qui est chargé du contentieux électoral au FN. «C’est la première fois que la CNCCFP se lance-là dedans. On est dans l’arbitraire», ajoutait, toujours auprès de l'AFP, Wallerand de Saint Just. Ajoutant cependant que Riwal devrait peut-être «rabattre son prix»

Dominique Albertini

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