“Si Bruno Gollnisch était élu, il y aurait un choc très grave.” Cette menace à peine voilée de Jean-Marie Le Pen montre que la campagne pour sa succession ne se passe pas aussi bien que prévue pour sa fille. A qui la faute ? En partie à Bruno Gollnisch qui prend la chose au sérieux et ne se résigne pas au simple rôle de faire-valoir. Mais surtout à Marine le Pen !
Un parfum de 2007
En liant la campagne pour la succession et l’élection présidentielle de 2012, Marine Le Pen s’est magistralement compliquée la vie pour la conquête du FN. Un choix tactique qui rappelle la campagne de 2007 au cours de laquelle Jean-Marie Le Pen et le Front national avaient tenté de séduire un électorat traditionnellement hostile aux thèses du FN (discours de Valmy, dalle d’Argenteuil). Une stratégie qui a eu surtout pour résultat de désorienter une partie de l’électorat classique du FN sans pour autant faire gagner des “parts de marché” au “FN light” (Il est vrai que Jean-Marie Le Pen n’était peut-être pas le plus crédible pour interpréter le rôle écrit par sa fille.).
Vitrine du new FN
La reprise du rôle par Marine rencontre un certain succès auprès des médias. Celle-ci est devenue la vitrine nouvelle d’un nouveau FN fréquentable. Un Front national enfin débarrassé des “encombrants”, des nostalgiques de ceci ou de cela, des grenouilles de bénitier, des néos-machins-choses, des “bouffeurs” de gueuse, des régionalistes patoisants, des bas du crâne de l’extrème-droite. Bref avec elle s’en sera fini du FN de papa. D’ailleurs cela se remarque dans les sondages d’intentions de vote, de notoriété, Marine à tout bon. Les journalistes s’en félicitent, les partisans de Marine s’en félicitent. Un boulevard radieux s’ouvre pour 2012 devant Marine qui rêve de rencontrer Martine pour un second tour infernal.
De l’art du grand écart…
Alors pourquoi tant de fébrilité de la part de Marine Le Pen et de ses amis ? Parce qu’à force de faire le grand écart entre campagne interne et campagne externe devant les journalistes qui la suivent et les adhérents venus l’écouter, de tenir un discours susceptible de plaire aux uns sans trop déplaire aux autres, elle a fini par déstabiliser une partie du noyau dur des militants qui se reconnaît dorénavant, pour une raison ou une autre, parmi les “encombrants”.
Alors ! Et si Marine Le Pen se faisait finalement coiffer sur le poteau par son adversaire pour avoir voulu séduire les hypothétiques électeurs de 2012 avant son propre camp. Cette éventualité improbable il y encore deux mois s’est malgré tout peu à peu imposé aux observateurs. Envisagée comme une simple formalité, la campagne pour la succession, si elle ne vire pas tout à fait au cauchemar, prend quand même des allures de chemin de croix pour Marine et son équipe.
Se mettre à dos les “dernières grenouilles de bénitier” et autres, jeter systématiquement le doute sur les “capacités” à diriger le mouvement de son concurrent et pour finir menacer de partir si le résultat du vote lui est défavorable, ne sont pas forcément les meilleurs moyens de remporter la timbale.
Ne pas se tromper de campagne
Indéniablement le mélange des genres profite à son adversaire. Celui-ci ne s’est pas trompé de campagne en conservant dans sa ligne de mire le congrès de janvier prochain. Sa candidature placée sous le signe du rassemblement trouve un écho auprès des militants. Le discours qui demeure globalement dans la ligne défendue pendant de longues années par Jean-Marie Le Pen et le Front national séduit à la fois les anciens (le soutien du président du CNC Roger Holeindre est en ce sens une très bonne nouvelle pour Bruno Gollnisch) mais aussi chez les jeunes du FNJ [1]. Jugé terne par les médias en comparaison de sa rivale, Bruno Gollnisch se révèle au fil de la compétition, un adversaire pugnace, solide, sérieux et tout à fait en mesure de l’emporter.