Interview de Carl Lang au Nouvel NH
CARL LANG : "La logique de Madame Le Pen est de tourner le dos définitivement à la Droite nationale…“
Secrétaire général du Front national à deux reprises à la demande de Jean-Marie Le Pen, la première fois pour succéder à Jean-Pierre Stirbois et la seconde au moment du putsch mégretiste, Carl Lang a finalement rompu en 2008 avec le parti. Un départ dont il s’est longuement expliqué dans une lettre ouverte. Aujourd’hui, l’ex secrétaire général du FN a fondé le Parti de la France (PdF), où l’on rejoint nombre d’anciens cadres du Front national eux aussi en désaccord avec la stratégie de "dédiabolisation“ menée par Marine Le Pen. Le regain de forme du FN, aux élections et dans les sondages, n’ont pas modifié son jugement sévère porté en 2008 sur le "tournant idéologique" pris par la nouvelle présidente du FN.
NNH— Le Parti de la France a fait le choix de ne pas présenter de candidats aux élections cantonales. Est-ce qu’aujourd’hui vous ne regrettez pas d’avoir été absent ?
Carl Lang— En fait le Parti de la France a présenté 19 candidats afin de tester nos slogans et notre capacité électorale dans les conditions les pires, c’est-à-dire lors d’élections très locales et ce, sans aucune couverture médiatique nationale. Il était dans ces conditions inutile pour des raisons financières et électorales de multiplier les candidatures. Lors d’élections nationales et politiques comme les législatives de 2012 notre stratégie sera évidemment différente et nous serons présents dans un pourcentage beaucoup plus important de circonscriptions. Le système médiatique protégeant les partis en place, nous devons sélectionner avec soin les types d’élections et cibler les circonscriptions avec précision. Nos résultats lors de ces dernières élections cantonales sont significatifs et encourageants puisque nos candidats obtiennent en moyenne près de 3%.
Le Front national, que vous avez quitté en 2008, en raison d’un désaccord profond sur la stratégie menée par Marine Le Pen, semble avoir retrouvé un regain de forme, d’abord aux élections régionales et ensuite aux élections cantonales, Mme Le Pen, elle-même bénéficie de sondages plus que flatteurs. A les en croire, si on votait demain, elle serait présente au deuxième tour contre un candidat socialiste. Que vous inspire, cette mise en avant de la candidate du FN un an avant la présidentielle, non seulement par les médias mais aussi par les instituts de sondages ?
J’observe avec beaucoup d’intérêt la différence de traitement médiatique entre Jean-Marie Le Pen et sa fille. Alors même que le père était exclu et diabolisé par les médias, la fille est promue et protégée. Pour s’en convaincre, il suffit de rappeler qu’au moment où il y avait encore un petit risque concernant la succession de JMLP du fait de la candidature de Bruno Gollnisch, la chaîne publique France2 et Arlette Chabot ont organisé à une heure de grande écoute et 48 heures avant l’ouverture de la campagne électorale interne au FN, une émission de promotion de Marine Le Pen dont a été totalement exclu Bruno Gollnisch. Marine Le Pen est bien un produit médiatique du système comme l’a été Ségolène Royal en 2006 au moment des dernières primaires socialistes.
Elle doit se dépêcher d’en profiter car les modes médiatiques passent et les bulles médiatiques éclatent. Madame Royal est aujourd’hui à 10%, loin derrière DSK, Hollande et Aubry dans les sondages pour désigner le candidat socialiste de 2012. Nous savons parfaitement que les maîtres de l’information font et défont les opinions publiques et manipulent le corps électoral comme on pétri de la pâte à modeler. Il y a bien longtemps que cette République n’est plus une démocratie, mais une « médiacratie » ballotée par des sondages qui se succèdent en prédisant le tout et son contraire.
"Malgré des conditions médiatiques et politiques exceptionnelles, le résultat en termes d’élus reste un échec."
Finalement, il n’y a pas eu de “vague bleu Marine“ au second tour. Le FN décroche seulement 2 sièges, alors que sur le papier il pouvait espérer mieux. Faut-il y voir un échec de la “dédiabolisation“ ou ses limites ?
En vérité, la dédiabolisation s’accompagne d’une normalisation républicaine, étatiste, laïciste et fiscaliste du discours et d’une personnalisation à outrance autour de la candidature « Marine ». Les affiches des candidats aux cantonales ont d’ailleurs été presque entièrement remplacées par les affiches de la présidente du Front mariniste. Le mot « national » et le nom de « Le Pen » disparaissent quant à eux au profit du slogan commercial de la « vague bleu Marine ». Malgré des conditions médiatiques et politiques exceptionnelles, le résultat en termes d’élus reste un échec. Elle devra aller encore plus loin dans le reniement des idées, l’abandon des principes et dans l’allégeance aux tenants du système et ce, en donnant toujours plus de gages. La prochaine étape passe par la liquidation du FN au profit d’une nouvelle structure électorale, la mise à la retraite définitive, la plus rapide possible, de papa et la mise à l’écart, elle aussi définitive, de ceux qui restent encore du « Front national canal historique ».
Fait nouveau, on remarque aujourd’hui que le FN peut compter sur une certaine réserve de voix en cas de second tour. Une réserve encore insuffisante pour remporter l’élection, mais… La présidente du FN a d’ailleurs annoncé qu’elle voulait lancer “l’organisation d’un grand rassemblement pour constituer un pôle majoritaire“ Est-ce que vous pensez que ce “grand rassemblement“ s’adresse également aux autres composantes de la Droite nationale ou est-il selon vous réservé aux déçus du sarkozysme et du socialisme ?
Depuis les années 80 il y a eu de nombreux deuxièmes tours avec les candidats du FN. La logique du deuxième tour étant évidemment de pouvoir récupérer une partie des suffrages des candidats éliminés au premier tour. Il est frappant de constater que malgré le refus de l’UMP de participer à un « Front républicain » contre le « Front mariniste », les résultats de 2011 n’ont pas été meilleurs que ceux des années 80 et 90 lorsque le FN s’opposait à tous les partis coalisés officiellement contre lui. Quant au « grand rassemblement », c’est une des tartes à la crème habituelle des plans de communication préélectorale. En vérité, la logique de madame Le Pen est de tourner le dos définitivement à la Droite nationale et à l’héritage politique de Jean-Marie Le Pen qu’elle considère déjà comme un boulet freinant son ambition personnelle. Il n’y aura bientôt de bons becs que des becs de gauche. Jean-Marie Le Pen défendait ses idées quitte à être impopulaire dans l’opinion. Sa fille ne défend que ce qu’elle estime être populaire et ce, quelque soient les idées.
Quelle sera l’activité/ l’actualité du Parti de La France dans les mois à venir ?
Le Parti de la France participera le 9 avril au colloque de synthèse nationale sur l’immigration. Le dimanche 10 avril à la journée organisée à Villepreux par le Renouveau Français. Le Parti de la France participera aussi au défilé en hommage à Jeanne d’Arc organisé par l’association Civitas, le dimanche 8 mai après-midi à Paris. Enfin, nous préparons dès à présent en liaison avec nos alliés de la Droite nationale les échéances électorales de 2012. Le Parti de la France entend bien s’inscrire durablement dans la vie politique française.
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