Dumas, Sapin, Macron... les mythos de la République
L’un a sauvé la République, l’autre la Grèce, et le troisième avait réussi à stopper le chômage. Du grand n'importe quoi !
Publié le mercredi 28 janvier à 12h52
Par Irène Inchauspé, Journaliste
Mais qu’est qu’il leur prend donc ? Voilà que l’on assiste depuis trois jours à un festival de déclarations ahurissantes, certains de nos hommes politiques se présentant comme des héros des temps modernes… L’état dans lequel se trouve la France devrait pourtant les inciter à la modestie. Il n’en n’est rien comme le montre ce petit florilège.
Roland Dumas a sauvé la République
«J’ai sauvé la République en 1995». Voilà ce qu’a déclaré Roland Dumas dans le Figaro ce mercredi. Cette information est l’une des «révélations» du livre que l’ancien ministre des affaires étrangères de François Mitterrand publie aux Éditions du Cherche Midi, titré «Politiquement Incorrect». Diable, la République était-elle donc en danger de mort en 1995 ? «Je peux le dire aujourd’hui, les comptes de campagne d’Edouard Balladur et ceux de Jacques Chirac étaient manifestement irréguliers», raconte celui qui à l’époque venait d’être nommé Président du Conseil constitutionnel. Si Roland Dumas avait appliqué le droit, comme les fonctions qu'il occupait à l'époque l'exigeaient, il aurait donc dû annuler l’élection de Jacques Chirac. Mais il a beaucoup réfléchi et décidé de ne rien faire. Ce qui, avec le recul, paraît scandaleux. Roland Dumas n’a donc pas sauvé la République, il a contribué à son déshonneur. A 92 ans, il a peut-être l'excuse de l'âge.
Michel Sapin avait réussi à stopper la hausse du chômage en 2013
Vous ne vous en étiez pas aperçu? «En 2013, on s’est battus pour stopper la hausse [du chômage, ndlr] et c’est à peu près ce que l’on est arrivé à faire». Qui a osé dire cela ? Michel Sapin, ministre des Finances et à l’époque ministre du Travail, RTL, le mercredi 28 janvier. «Stopper la hausse», en principe cela veut dire «stabiliser». Or en 2013, il y a eut 174800 chômeurs de plus qu’en 2012. Comme stabilisation, on fait mieux. En mai 2013, il avait déjà annoncé que «d’ici à la fin de l’année, la courbe du chômage allait s’inverser». Belle prévision, puisqu’il y a eu 189100 chômeurs en plus en 2014. Les chômeurs de longue durée qui pointent à Pôle emploi apprécieront certainement les déclarations de Michel Sapin. Depuis qu'il est ministre des Finances, il a évité ce genre de propos. Pourvu que cela dure.
Pour Emmanuel Macron, François Hollande a sauvé la Grèce à l'été 2012
«Sans François Hollande et son action résolue, la Grèce serait vraisemblablement sortie de la zone euro en 2012.» Le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, qui a déclaré cela sur Europe1 le 26 janvier, a rajouté qu’il était bien placé à l’époque pour le savoir. A l’été 2012, date à laquelle, a-t-il dit, la «France s'est battue pour que la Grèce ne sorte pas de la zone euro», il était secrétaire général adjoint de l’Elysée. Mais le cas Grec était traité depuis des mois, depuis précisément le 21 février, date à laquelle les pays de la zone euro ont décidé du plan de sauvetage qui éviterait la faillite du pays. A l’été 2012, on craignait la contagion à l’Espagne et l’Italie, mais l'éventualité que la Grèce sorte de l'euro était écartée. C’est à Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne, et à son engagement de «tout faire pour sauver la zone euro» que l’on doit en revanche le sauvetage de… l’Europe. Non seulement Emmanuel Macron n’était pas à l’Elysée lorsque le plan de sauvetage de la Grèce a été décidé, mais ce n’est pas François Hollande qui a sauvé la Grèce à l’été 2012, pas plus qu’il ne la sauvera aujourd’hui.