Marine Le Pen dans l'"Emission politique" : les 5 intox de la candidate du FN
La dirigeante frontiste a débattu jeudi soir sur France 2 avec Patrick Buisson et Najat Vallaud-Belkacem.
Très attendue, la prestation de Marine Le Pen, jeudi soir sur France 2, dans "L'Emission politique", a permis à la candidate de dérouler ses thèmes de prédilection habituels : immigration, protectionnisme, laïcité... La frontiste a aussi pris quelques libertés avec les faits. Passage en revue (non exhaustif) de ses petits et gros mensonges.
# "Le Parlement européen veut nous faire la guerre !"
Comme l'a révélé "l'Obs" la semaine passée, le Parlement européen réclame 1,1 million d’euros à six eurodéputés du FN, dont Marine Le Pen. Une somme engloutie par des assistants parlementaires fictifs. Payés par l’institution européenne, ils travaillaient en réalité en France…
Sur le plateau de "L'Émission politique", Marine Le Pen a clamé son innocence en adoptant une posture victimaire récurrente au FN. "Le Parlement européen veut nous faire la guerre !", a-t-elle lancé à David Pujadas pour déplacer sur le terrain politique cette affaire pour le moins compromettante…
Une stratégie qui peut s’avérer payante. "Il y a au sein de l’électorat frontiste le sentiment d'être des parias, des sans grade. Face aux accusations, ils se voient comme une citadelle assiégée”, nous confiait récemment Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion de l’Ifop. Les affaires peuvent être interprétées comme une tentative du 'système' de les bâillonner eux et le parti qu'ils soutiennent". C'est sur cette corde là que la candidate frontiste a cherché à jouer jeudi soir.
# Sur le "muslim ban" de Donald Trump
Interrogée sur le "muslim ban" de Donald Trump, Marine Le Pen assure que Barack Obama avait lui aussi, en son temps, interdit de territoire les ressortissants d'un pays ciblé – l'Irak. En réalité, la présidente du Front national reprend une désinformation de Kellyanne Conway, la proche conseillère du président américain.
Comme l'explique la revue américaine "Foreign Policy", l'administration Obama avait effectivement ordonné un réexamen de la situation des 58.000 Irakiens installés aux Etats-Unis. Une décision qui a été prise après l'arrestation de deux Irakiens et qui a accru les contrôles des demandeurs de visa d'Irak. Cependant, contrairement à ce que dit Marine Le Pen, elle n'a jamais empêché à l'ensemble des ressortissants irakiens d'entrer aux Etats-Unis...
# Sur la nationalité française accordée en cas de mariage
Interrogée en début d'émission sur l'immigration, Marine Le Pen a affirmé que, si elle était élue, "la naturalisation par mariage ne sera plus automatique" :
"Nous renforcerons les critères pour obtenir la nationalité. Je trouve qu’on accorde la nationalité française trop facilement."
La présidente du Front national se trompe. La naturalisation est loin d’être automatique en cas de mariage. Les candidats doivent remplir un certain nombre de conditions : au moins quatre ans de mariage, séjour régulier en France, connaissance de la langue française, etc.
Par ailleurs, en défendant l'interdiction des doubles nationalités, hors Union européenne, Marine Le Pen a prétendu s'inspirer de l'Allemagne : "C'est le cas en Allemagne, je crois". Et bien non. Comme le relève "Le Monde", la binationalité est autorisée en Allemagne depuis 2000 (y compris pour les nationalités extracommunautaires, car cette réforme a surtout concerné les Turcs).
# Les dérapages des cadres du FN, une exception ?
Marine Le Pen fait valoir que les dérapages sont une exception dans la bouche de personnalités du Front national. Elle était questionnée sur le tweet de Jérôme Cochet, chargé de communication de David Rachline, sénateur-maire FN de Frejus. C’est faux.
En 2015, "l'Obs" avait recensé une série de propos racistes, antisémites et homophobes dans la bouche de candidats aux départementales. Que montrait notre article ? Des frontistes qui détestent les immigrés, haïssent les musulmans, vomissent Christiane Taubira, distillent des préjugés antisémites ou regrettent le maréchal Pétain. Des profils que le FN s'efforce de masquer pour dédiaboliser son image. Non, le FN n'a pas changé...
# Protectionnisme, sortie de l'euro : un discours imprécis
Avec l'immigration, l'économie est désormais l'un des sujets sur le. Au nom de la lutte "contre le mondialisme", la frontiste a défendu bec et ongles un tournant protectionnisme. Comment relocaliser ? En faisant comme Donald Trump, a-t-elle répondu, promettant que les entreprises qui délocalisent seront frappées de droits de douane. Mais la frontiste fut bien en peine d'apporter le moindre chiffre. Résultat ? Un discours fait de phrases incantatoires pour afficher son volontarisme. Mais assez peu convaincant tant il était marqué d'imprécisions et de zones floues.
Ce fut particulièrement criant lorsqu'elle fut interpellée au sujet d'une éventuelle sortie de l'euro. "Pour nous l’Europe, la monnaie unique, c’est un atout extraordinaire. En cas de sortie, on ferait face à une augmentation des coûts de 16 à 20%. Je ne doute pas que vous vouliez aider les PME, mais, en l'occurrence, pour moi ce serait une mesure grave qui a priori mettrait fin à mon entreprise", lui a répété une chef d'entreprise. Approximative, visiblement en difficulté, la candidate s'est contentée de balayer d'un revers de main ces inquiétudes : "Les Français ne verront aucune différence", a-t-elle plaidé. Un peu court...
Sébastien Billard et Paul Laubacher