Bruno Mégret
La crise, tout le monde a ce mot à la bouche. Les politiques et les médias ne parlent que de ça et pour les socialistes au pouvoir c’est la contrainte ou l’excuse qui détermine toutes leurs actions. Pourtant personne ne semble poser la vraie question, celle qui devrait nourrir les analyses et alimenter les propositions : de quelle crise s’agit-il ? Pourquoi une crise ? On nous parle d’une crise de l’euro, d’une crise de la dette, d’une crise économique, cependant, dans cette abondance de débats rien de clair n’émerge, ni sur la nature réelle du problème ni sur les remèdes à y apporter.
La crise de la dette : un symptôme
On nous parle d’une crise de l’euro. Or, il n’y a pas de crise de l’euro. Certes, la monnaie européenne gêne aujourd’hui des pays comme la Grèce ou l’Espagne qui ne peuvent plus dévaluer pour redresser leur économie. Mais l’euro en tant que tel reste une monnaie forte. Si l’euro n’inspirait plus confiance, personne n’en voudrait plus et son cours s’effondrerait. Ce qui est loin d’être le cas.
En revanche, il y a bien une crise de la dette due à des niveaux d’endettement auxquels beaucoup d’États européens ne peuvent plus faire face. Mais cette situation n’est que le symptôme d’un mal plus profond, et rares sont ceux qui avancent des explications convaincantes sur les causes de cet endettement. On laisse entendre que le laxisme de nos dirigeants serait à l’origine de ces errements. Sans doute y a-t-il là une part de vérité, mais peut-on réellement expliquer un phénomène aussi généralisé et aussi continu par une simple dérive des comportements politiques ?
Endettement et mondialisation
En réalité, l’endettement massif des pays européens est principalement la conséquence de la mondialisation sauvage et du soutien idéologique indéfectible qu’elle reçoit des dirigeants du système. La mondialisation a en effet provoqué, avec la désindustrialisation, un transfert de richesse des pays européens vers les pays émergents qui se traduit par un appauvrissement relatif de l’Europe. Or, nos gouvernants, qui n’ont cessé de vanter les mérites de cette mondialisation, n’ont jamais voulu admettre cette terrible vérité. Et pour supprimer les effets désastreux qui en résultent, ils ont cherché, malgré l’appauvrissement de notre nation, à maintenir le niveau de vie et de protection des citoyens en recourant massivement à l’emprunt. Pour ne pas avoir à réduire les prestations sociales, le service public et le pouvoir d’achat, ils ont fait vivre notre pays au-dessus de ses moyens.
Il faut donc le dire haut et fort : la crise actuelle est la conséquence directe de la mondialisation sauvage. Comment expliquer autrement que l’endettement débute dans les années soixante-dix et aille croissant à mesure que les droits de douane sont supprimés et que la dérégulation commerciale se généralise ? Comment expliquer autrement que les pays européens soient tous largement endettés alors que les pays émergents disposent tous de larges excédents ?
C’est donc clair, la crise que nous connaissons aujourd’hui vient du fait que la politique de camouflage des effets néfastes de la mondialisation est devenue impossible dès lors que le niveau d’endettement a atteint son seuil maximum.
La croisée des chemins
Si l’on comprend cela, on comprend pourquoi aucun gouvernement n’a jamais pu apporter une solution véritable à ce problème et pourquoi aucun des partis en présence ne peut résoudre cette crise. Attachés aveuglément à l’idéologie de la mondialisation, liés par les propos euphoriques qu’ils tenaient il y a peu de temps encore sur ses supposés bienfaits, ils ne voudront jamais se déjuger et, en refusant de s’attaquer aux causes profondes de la crise, ils ne pourront qu’en développer les conséquences funestes.
Nous sommes donc à la croisée des chemins, car quel que soit le discours de nos dirigeants il nous faut maintenant revenir à la réalité. Dès lors, deux voies et deux voies seulement nous sont ouvertes. Ou bien on remet en cause la mondialisation sauvage par une régulation réelle aux frontières de l’Europe qui permettrait de réindustrialiser notre continent et de retrouver une prospérité suffisante pour résorber nos dettes. Ou bien on laisse les frontières grandes ouvertes et il faut alors contraint et forcé réduire le niveau de vie et de protection de nos compatriotes et organiser l’appauvrissement et donc la régression inexorable de notre pays.
A l’évidence c’est à cette tâche que les socialistes au pouvoir semblent vouloir se consacrer.
Source Le Chêne n°70 cliquez ici