Tous les médias se sont emparés de cette affaire Fillon-Pénélope comme des « rapaces » en quête d’audience sans s’occuper des conséquences politiques, ou peut-être au contraire, les fomentent.
Ce que retient la majorité des français, c’est que François Fillon a volé les finances publiques pour enrichir sa famille, au sens large. Sans vouloir à tout prix soutenir François Fillon, je défendrai la probité de l’affaire avec des éléments concrets qui n’ont pas du tout été évoqués ou si peu.
En France, si un employeur décide de rémunérer une personne à ne rien faire, est-ce illégal ? Rien n’apparaît dans ce sens dans le Code du Travail. Combien de personnes travaillent dans des collectivités locales ou entreprises d’État avec peu ou pas d’activité ? Je vous citerai quatre cas :
- Un ami travaillant dans une Communauté Urbaine était en semi-dépression car il n’avait rien à faire depuis quelques années ou des dossiers inutiles.
- Une responsable de service d’une même collectivité sur Bordeaux, en défrayant la chronique après avoir sorti un livre, a été renvoyée, car elle écrivait qu’elle n’avait presque rien à effectuer ainsi que beaucoup de personnes de son service.
- Deux entreprises connues, France Télécom et Renault, qui ont défrayé la chronique suite à des suicides d’employés mis au placard (payés à presque rien faire ou avec des dossiers sans intérêt).
- Alors que j’étais à Lille, une amie pourtant très dynamique travaillant aux douanes me semblait perturbée. Elle m’avoue que depuis des années, elle n’a presque rien à faire de ses journées, une heure de travail effectif. Je lui dis, il faut partir, tu vas tomber malade. Elle me répond : j’ai un beau logement de fonction, une paie honorable et beaucoup d’autres avantages, comment lâcher tout cela !
Personnellement, j’ai eu au début de ma carrière dans un grand groupe international des périodes où nous n’avions rien du tout à faire. Le responsable nous donnait un dossier pour un mois alors qu’en moins d’une semaine nous avions terminé ! Aucun syndicat, dans ce sens ne s’est jamais manifesté !
Autre réflexion à l’opposée : Nombre d’artisans, commerçants, agriculteurs, de professions libérales employaient ou emploient encore leur conjoint ou même parfois leurs enfants sans les rémunérer. A-t-on vu les journaux le révéler ? Et pourtant, l’économie, l’État, la sécurité sociale pour ne citer qu’eux, ont beaucoup à y perdre en manque de rentrées fiscales, prélèvements, etc. …
Dans le cas qui intéresse les lecteurs ou auditeurs, le problème c’est que nos députés et sénateurs perçoivent des sommes conséquentes qui peuvent être normalement dépensées sans se justifier. Certains en ont assez, d’autres n’arrivent pas à joindre les deux bouts. Certains gèrent mieux que d’autres ou sont beaucoup plus actifs en étant entre autres très présents à Paris où dans leur circonscription. Ce qui leur permet de tout dépenser. Mais dans le cas de Monsieur Fillon, qui n’a que comme seule permanence sa résidence de Sablé sur Sarthe, ses frais et collaborateurs étaient moindres.
Depuis quelques années, sous la pression populaire et médiatique, ces élus se sont vus de plus en plus « obligés » de trouver des justificatifs pour couvrir l’ensemble du crédit accordé.
En 2014, une restriction a été mise en place pour les emplois familiaux. Si l’épouse (le conjoint) travaille, elle ne peut percevoir plus de la moitié du crédit (soit 4752 euros nets), qui est à ce jour de 9561 euros par mois pour un ou cinq employés maximum. (Pour Mme Fillon, l’emploi se situait avant la restriction sachant qu’elle ne percevait toutefois, qu’un peu plus de 4000 euros nets).
En 2015, nombre de députés ont embauché leurs proches pour « les assister dans l'exercice de leur mandat ». Selon Mediapart, « l'Assemblée a rémunéré 58 épouses, 28 fils et 32 filles de députés cette année-là. Claude Bartolone, Gilbert Collard, Nicolas Dupont-Aignan, Frédéric Lefebvre (pour n'en citer que quelques-uns) ont embauché leurs conjointes. Françoise Dubois, Philippe Vittel, Claude Goasguen ou Jacques Bompard ont, quant à eux, employé leur fils ou fille. En tout, en 2014, 20 % des députés (115 sur 577) ont donc rémunéré un membre de leur famille avec leur enveloppe parlementaire.
Le Canard Enchaîné semble avoir volontairement omis d'indiquer que Pénélope Fillon était juriste et avocate (il la présente comme sans profession) et donc parfaitement à même de collaborer avec son mari ou avec ses collaborateurs. Je remarque que pour grossir les chiffres, on a pris le salaire brut sur huit ans, alors qu'en enlevant les charges sociales salariales en divisant par huit ans et par 12 mois, on arrive à un salaire mensuel de 4000 euros nets pour une avocate collaborant avec 1 député. (A titre d’exemple : avec simplement 3 employés payés 2500 brut plus charges, vous arrivez allègrement au 9500 euros attribués au député !)
Ce même Mediapart dans son article du 24 novembre 2015 annonçait sur son site : « S'il veut prendre un seul collaborateur qui ne fait rien et qui est payé 9 504 euros par mois, aucun souci, c’est son choix ». Le Monde aussi dans un article du 09 juillet 2014, de Matthieu Goar affirmait : « Ces assistants ne sont pas employés par l'Assemblée, mais directement par l'élu, qui n'est pas obligé de dépenser toute son enveloppe. Pour la plupart très présents dans les coulisses du pouvoir, ils peuvent assurer un rôle de secrétariat ou de conseil ».
Pour faire diversion et relativiser, je viens de lire un article de Challenges annonçant que « Sundar CEO de Google a reçu 199 millions de dollars de stocks options en 2015, un peu plus que les 187 millions versés par Google au fisc anglais » !!!
Pour bien comprendre ce conteste financier, il faut rappeler que les députés, sénateurs, perçoivent 3 émoluments :
- L’Indemnité de base (soit un salaire) (pour éviter la confusion il serait bien de changer le terme indemnité par rémunération)
- L’Indemnité Représentative de Frais de Mandat (IRFM - Soumise uniquement à la CSG-CRDS, non imposable)
- Des Avantages
1) L’Indemnité de base :
Le revenu des députés se divisent en trois : l'indemnité de base, l'indemnité de logement et l'indemnité de fonction :
L'indemnité de base est le salaire du député, correspondant à une moyenne entre le plus bas et le plus haut des salaires des cadres hors-échelle (les plus hauts fonctionnaires), c'est-à-dire HEA1, soit 4 079,29 euros, et HEG1, soit 6 950,08 euros, donc l'indemnité de base se monte à 5 514,68 euros.
L'indemnité de logement leur est attribué au même titre que pour les autres fonctionnaires et sert, en théorie, à compenser l'écart du coût de la vie entre les différentes villes de France. Les députés travaillant en Île-de-France, ils ont droit au maximum, à savoir 3 % de leur indemnité de base, soit 165,44 euros.
L'indemnité de fonction, quant à elle, se monte à 25 % de l'indemnité de base, soit 1 420,03 euros. Elle n'est pas imposable.
En tout, un député perçoit 7 100,15 euros brut mensuel, soit, en net mensuel 5 046,77 euros pour les députés élus pour la première fois avant juin 2012 et 5 351,65 euros pour les députés élus la première fois après juin 2012. Soit une moyenne de 5148,77 euros.
2) L’IRFM :
Elle ne fait l'objet d'aucun contrôle, n'est pas imposable et peut servir à couvrir tout type de dépense : loyer de permanence, des fournitures, habillement, restauration, (achat immobilier : terminé), voyage. Elle est virée sur un compte bancaire distinct. En 2002, un amendement voté au Sénat a interdit le contrôle par l’administration fiscale de l’utilisation de l’IRFM. En février 2015, une interdiction a été décrétée d’employer ces fonds pour investir dans l’immobilier et l’achat de leur permanence. De nombreux députés s'en servaient pour rembourser l'emprunt pour acquérir leurs locaux de permanence, un logement sur Paris ou dans leur circonscription puisque cet argent n’appartenant plus à l’État, il était libre de l’utiliser à sa guise.
Les difficultés à réformer l’IRFM sont toujours venues du conflit d’intérêts par le fait que ce système est géré par les députés eux-mêmes. Une première tentative a été lancée en 2009 par Charles de Courson, député du Nouveau Centre, pour faire contrôler par la Cour des comptes la bonne utilisation de l’IRFM, sous forme de contrôle sur des « échantillons tirés au hasard ».
Une deuxième tentative en 2012 a été impulsée encore par le même député (mais UDI) sous forme d’un amendement précisant que l’IRFM soit contrôlée et surtout que la part non utilisée soit rendue imposable. Cet amendement n’a pas été adopté. Il a été évacué par ses homologues, avec une belle unanimité: sa proposition a été rejetée par 108 voix contre 24, 86 PS et 22 UMP. Seuls six PS, six UMP, dix UDI et deux FN ont voté en faveur de son texte.
Beaucoup de détournements ont existé et son utilisation a souvent prêté à polémique. Le député socialiste de l’Ardèche, Pascal Terrasse a été accusé en 2012 d’utiliser son IRFM pour des déplacements privés pour sa famille en France mais aussi en Espagne, au Portugal, en Egypte, au Sénégal (selon Mediapart).
3) Les Avantages ou Crédit pour les collaborateurs:
C'est une somme allouée à la rémunération des collaborateurs du député, qui peuvent être au nombre de un à cinq. Ce montant en 2015, s'élèvait à 9 504 euros brut par mois. Le député a le statut d'employeur et fixe la rémunération et les conditions de travail de chacun de ses collaborateurs. S'il veut prendre un seul collaborateur qui ne fait rien et qui est payé 9 504 euros par mois, aucun souci, c’est son choix.
Cette somme est toujours allouée entièrement, quoi qu'il arrive. Si le député ne l'utilise pas complètement, elle ira dans le budget de l'Assemblée ou, plus fort, il peut la léguer à son groupe politique qui s'en servira pour payer ses employés, avec les mêmes règles appliquées au député.
En fin d'année 2012, il a été décidé que les députés peuvent reverser une part plafonnée de ce dernier budget vers l'IRFM. Comme n'importe quel fonctionnaire, ils peuvent aussi demander le supplément familial de traitement. Ce supplément mensuel est calculé en fonction du nombre d'enfants et contient une part fixe déterminée et une part proportionnelle à l'indemnité de base :
Un enfant : 2,29 euros pour la part fixe, aucune part proportionnelle ;
Deux enfants : 10,57 euros pour la part fixe, 3 % de l'indemnité de base pour la proportionnelle. Montant minimum : 73,04 euros. Montant maximum : 110,27 euros ;
Trois enfants : 15,24 euros pour la part fixe, 8 % de l'indemnité de base pour la proportionnelle. Montant minimum : 181,56 euros. Montant maximum : 280,83 euros ;
Au delà de trois enfants, par enfant supplémentaire : 4,57 euros pour la part fixe, 6 % de l'indemnité de base pour la proportionnelle. Montant minimum, par enfant supplémentaire : 129,31 euros. Montant maximum, par enfant supplémentaire : 203,77 euros. (Exemple : pour 5 enfants, on aura 24,38 euros pour la part fixe et 20 % de l'indemnité de base pour la partie proportionnelle, avec un montant minimum de 440,18 euros et un montant maximum de 688,37 euros).
Faites des enfants ! Sachant que les députés auront le montant maximum possible, quelle que soit la situation. (C’est Mediapart qui le dit.)
Il n'y a pas d'interdiction de cumul avec des indemnités d'autres mandats (maire, par exemple. Notez aussi les "s", il est possible de cumuler plus de 2 mandats), dans la limite d'un total d'indemnités d'une fois et demi son indemnité de base. C'est-à-dire qu'un député peut toucher au maximum 2 757,34 euros brut d'autres indemnités.
Il existe encore d’autres avantages. Prise en charge de déplacements en train 1ère classe. 12 voitures à Paris à disposition. Taxis remboursés (plafonnés). Carte RATP. Avion ; 80 AR Circonscription-Paris et 12 AR autres. 26 AR pour l’Outremer et 8 AR en France. Bureau à disposition au Palais Bourbon pour cinq ans de mandat, enveloppe pour le parc informatique, internet, bases juridiques et économiques. Prise en charge des communications téléphoniques, fax, jusqu’à cinq lignes mobiles (téléphones ou tablettes). Un forfait d’affranchissement annuel. Couchage possible au bureau et logement payant dans la résidence de l’Assemblée nationale.
Une assurance chômage aux députés non réélus jusqu’à 3 ans, réglé par le Fonds d’assurance mutuelle par rapport aux cotisations versées. Un système de Sécurité social FSSAN (Fond de Sécurité Sociale de l’Assemblée Nationale) qui fait partie du budget de l’Assemblée. (Assurance de base et assurance complémentaire) alimenté en parti par les cotisations des députés (couverture maladie, maternité…)
Un système de retraite qui leur est propre (la possibilité de cotiser double a été supprimée en 2010) avec taux plein après 22,5 annuités (43 en 2033).
En dehors de cela, il existe la réserve parlementaire qui peut permettre aux députés de donner des subventions aux associations, communes. Depuis 2012, ces versements sont rendus publiques et peuvent aller jusqu’à 130 000 euros. L’ensemble de la réserve institutionnelle de l’Assemblée nationale avait été fixée pour 2014 à 5,5 millions d’euros. Pour info, en 2012 les montant des deux réserves institutionnelles et parlementaire était de 90 millions d’euros. Par mesure d’économie, celle-ci est passée à 80 millions d’euros en 2014.
Les communes et établissements publics de coopération intercommunale représentent 54 % des subventions, les associations 46 %. Les objets associatifs se répartissent ainsi : promotion du sport pour le plus grand nombre (8 %), soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle (8 %), développement de la vie associative locale (3 %).
Pour récapituler, le budget de l’Assemblée nationale est de 520 millions d’euros, à titre de comparaison celui du Sénat est de 351 millions d’euros.
En conclusion : Comment résoudre ce problème des indemnités fixes ? Un autre mode de paiement a été envisagé en prenant modèle sur les entreprises. L’Assemblée ne payant que sur justificatifs tous les frais avec une note mensuelle. Mais qui va gérer, contrôler toutes ces factures ? Ce serait aussi un casse-tête pour les élus, sachant que les députés et sénateurs les plus actifs, les plus éloignés pourront avoir des notes 2 à 3 fois plus élevées que d’autres ! Ce qui serait considéré comme une disparité de traitement. Ce pourrait être aussi la porte ouverte aux fausses factures, faux frais de déplacements…
Les changements seront toujours très difficiles à mettre en place puisqu’il y a conflit d’intérêt. Ce sont les mêmes qui votent les lois et ceux qui les « utilisent ». Alors ce serait au nouveau président de mettre cela dans son programme : Mélenchon, Le Pen, Macron,… peut-être plus Fillon ?
Un seul candidat avait dans son programme des mesures drastiques, c’était Bruno Le Maire puisqu’il proposait de réduire de 50 % le nombre d’élus (Parlement, Sénat) ce qui diminuerait la dépense publique, mais ne résoudrait toujours pas le problème des frais, pas plus que les déficits de l’état, de la Sécu, des retraites, de l’Assedic, etc…qui méritent une réforme du travail beaucoup plus importante.
Si nos chers Français gagnaient plus, se sentaient plus heureux, ces attaques n’auraient peut-être plus cours et surtout les toucheraient beaucoup moins, car ils comparent systématiquement leurs bas revenus à ceux des élus qui leurs paraissent indus et inacceptables. Autre objectif : il serait intéressant et urgent d’arriver à changer les mentalités françaises pour atteindre celles des pays Nordiques, y compris au niveau des journalistes qui ne vont pas dans le sens de l’apaisement et de la sérénité du pays.
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